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> Comment s’organise la lutte contre la criminalité financière en France ?
Pour lutter contre le blanchiment, la France, à l’instar de tous les membres du GAR, s’est dotée d’une cellule administrative de renseignement financier appelée Tracfin (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).
Conformément aux recommandations du GAF, un certain nombre de professions ont l’obligation de signaler à Tracfin les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an.
Quelle est la réelle destination des fonds ? Quelles en sont les bénéficiaires économiques réels ? Elles doivent également être attentives à toute opération complexe ou qui porte sur un montant inhabituellement élevé.
À charge pour Tracfin d’analyser ces déclarations, de les enrichir et, le cas échéant, les transmettre à l’autorité judiciaire.
> Jugez-vous satisfaisante, la politique de lutte contre la criminalité financière menée en France?
Les recommandations du GAF n’ont pas de caractère contraignant. Ainsi, pour encourager les pays à les mettre en œuvre, il a imaginé un processus d’évaluation des membres par leurs pairs. L’idée est de contrôler l’effectivité et l’efficacité de la mise en œuvre des dispositifs de prévention dans les différents États membres.
Si, globalement le dispositif français, évalué en 2012, a obtenu une appréciation qualifiée de « largement conforme », l’action de TRACFIN, quant à elle, a été très sévèrement critiquée à la fois par le GAF mais aussi par la Cour des comptes. Tracfin se voit, en effet, reprocher un nombre insuffisant d’agents affectés aux enquêtes et une absence de statistiques fiables permettant de mesurer l’efficacité du service.
La cellule administrative ne dispose, en réalité, d’aucune estimation sur l’ampleur, la consistance et les circuits des flux financiers concourant au blanchiment. Or, l’évaluation de ce phénomène est indispensable. Il en va de l’efficience même de la cellule.
Autre reproche fait à TRACFIN des transmissions judiciaires trop peu nombreuses,
Les déclarations de soupçon des professions assujetties péchant parfois par manque de précisions, elles ne peuvent pas donner lieu à l’ouverture d’une enquête approfondie.
Or, il est de la responsabilité de la cellule administrative de mettre à la disposition de ces professions les moyens (typologie documentée des mécanismes de recyclage de «l’argent sale », éléments caractéristiques des fraudes et de leurs acteurs) d’une meilleure évaluation des risques clients.
> En juin 2013, le Collège européen des investigations financières et de l’analyse financière criminelle (CEIFAC) verra le jour, pouvez-vous nous en dire davantage ?
À l’origine de ce projet financé à hauteur de 90 % par la Commission européenne : l’université de Strasbourg qui a proposé de créer un Collège européen, unique en son genre, des investigations financières et de l’analyse financière criminelle.
L’objectif est double : former les forces de police, gendarmerie, justice et douane de l’ensemble des États membres de l’Union européenne aux investigations financières et à l’analyse financière criminelle et créer une « Référothèque ».
II s’agit d’une base de données, permettant la veille législative et réglementaire des informations nécessaires aux investigations financières et à l’analyse financière criminelle à l’échelle de l’Europe. L’idée est également de constituer un centre de connaissance qui centralisera les bonnes pratiques en matière d’investigation économiques.
Au final, le CEIFAC constituerait un outil pour mieux lutter contre la criminalité organisée dans sa dimension économique et financière.