L’histoire économique suggère que des restructurations de dettes seront inévitables.
La crise est finie : les tensions financières s’apaisent et l’activité redémarre timidement en Europe
Avec le retour de la croissance, de la constance dans la rigueur budgétaire et de la patience, la montagne de dettes publique héritée de la crise devrait se résorber progressivement. Tel est, rapidement résumé, le credo qui anime les responsables politiques européens.
Les moyens hétérodoxes pour se débarrasser du surendettement - le défaut ou la restructuration des dettes, l’inflation, la répression financière -, ce serait bon pour les pays en développement, pas pour les pays riches, qui se flattent de toujours honorer leurs engagements financiers.
Mémoire courte
Erreur, répondent Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff. Les gouvernements ont la mémoire courte, et les deux économistes d’Harvard veulent la leur rafraîchir. Dans de précédents travaux, ils ont montré que c’est par un mélange ; d’inflation et de réglementation financière que les pays avancés ont résorbé leurs dettes publiques au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, certaines formes de répression financière sont à nouveau à l’œuvre : la politique d’achat massif de dettes publiques par les banques centrales américaine et britannique s’y apparente, de même que les nouvelles règles prudentielles qui imposent aux banques de détenir plus de titres publics (parce que considérés comme sûrs et très liquides). Quant à l’inflation, elle n’est plus taboue: le chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) recommandait en 2010 de relever la cible à 4 %.
Mais le défaut, lui, demeure banni. Reinhart et Rogoff rappellent que les pays avancés y ont cependant eu recours il n’y a pas si longtemps. Ils reviennent sur un épisode oublié: l’abandon de créances consenti par les Etats-Unis en 1934 sur les dettes accumulées à leur égard par 17 pays européens pendant et après la Première Guerre mondiale.
A l’époque, la France et le Royaume-Uni avaient bénéficié d’une annulation de dette d’un montant supérieur à 20 % de leur PIB respectif.
Aujourd’hui, « il est difficile d’imaginer une résolution de la crise actuelle qui n’implique pas un rôle plus important pour les restructurations explicites de dettes », estiment les deux économistes, compte tenu de la montagne de dettes accumulées et de l’atonie vraisemblablement durable de la croissance. Les données qu’ils ont compilées montrent qu’un surendettement massif entrave la croissance pendant au moins deux décennies. Or, la dette publique des pays avancés se rapproche de son record historique de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Et ce record serait sans doute allègrement dépassé si on prenait en compte l’ensemble des dettes publiques et privées, et des engagements implicites liés au vieillissement. En outre, cette dette explosive est davantage qu’hier une dette extérieure, notamment en Europe. Or, si les créanciers domestiques peuvent être plumés discrètement par des voies réglementaires ou inflationnistes, cela reste plus difficile pour les créanciers extérieurs.