À la mi 2016, les différents et réformes fleurissent un peu partout... Un changement du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) ainsi que 2 nouveaux traités européens sont effectivement en phase d’approbation.
Les traités prônant :
- un Mécanisme européen de stabilité (MES) ;
- la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) ou plus communément appelé "Pacte budgétaire européen"
Après plusieurs années de forte crise prises et traitées dans l’urgence, les différents chefs d’état de toute l’Europe se préparent alors à changer en profondeur les règles de fonctionnement de la zone euro.
En savoir plus sur : le pacte budgétaire européen
Elles marquent la poursuite illusoire d’une logique de gouvernement par les règles, alors qu’il aurait fallu doter la zone euro d’une véritable capacité de décision. De plus, elles se placent dans un cadre essentiellement intergouvernemental qui ne fait pas progresser la démocratie en Europe.
Il s’agit tout d’abord de doter la zone euro d’un mécanisme permanent d’aide aux pays en crise. L’article 125 du TFUE, la fameuse clause de no bail out, prévoyait que ni l’Union ni aucun de ses membres n’ont le droit de répondre des engagements financiers d’un autre Etat membre.
Ce principe était censé garantir que chaque Etat fasse attention à ne pas accumuler trop de dettes. C’est pourquoi rien n’avait été prévu pour des cas de figures comme ceux auxquels la Grèce, puis l’Irlande et le Portugal ont été confrontés quand ils n’ont plus été en mesure de se financer sur les marchés financiers.
L’application intégriste de ce principe est cependant rapidement devenue intenable, sauf à sacrifier l’euro. C’est pourquoi, en mai 2010, un Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été créé pour prêter de l’argent à des conditions favorables aux pays en crise. Mais ce mécanisme restait provisoire — il doit théoriquement s’éteindre le 30 juin 2013 — et sa base juridique fragile.
D’où la décision, prise en novembre 2010, de modifier le TFUE et de créer un Mécanisme européen de stabilité permanent. C’est ce processus qui arrive actuellement à son terme avec l’amendement suivant à l’article 136 du TFUE:
« Les Etats membres dont la monnaie est l’euro peuvent établir un mécanisme de stabilité pouvant, si nécessaire, être activé dans le but de préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi de toute aide financière en vertu du mécanisme sera soumis à de strictes conditionnalités. »
Il s’agit de sécuriser juridiquement le MES sans pour autant modifier l’article 125, symboliquement important, notamment pour l’opinion allemande.
Parallèlement, un traité séparé instituant ce fameux MES est lui aussi en cours de ratification.
Une capacité de prêt Limitée
La zone euro est-elle du coup définitivement parée pour faire face aux crises ? Pas sûr. Tout d’abord, la capacité d’intervention du MES reste limitée. Contrairement au FESF qui ne disposait pas de capital propre, le MES sera doté d’un capital de 80 milliards d’euros (dont 16,3 milliards apportés par la France, deuxième contributeur derrière l’Allemagne). Ce capital pourrait même, le cas échéant, être porté à 700 milliards d’euros (dont au maximum 143 milliards d’euros en provenance de la France).
Le MES pourra donc prêter en apportant en garantie son propre capital et non plus seulement la garantie de chaque Etat, comme c’est le cas avec le FESF. Ce qui devrait le rendre moins sensible aux dégradations de la note des Etats participants.
Avec 80 milliards de capital, sa capacité de prêt sera de l’ordre de 500 milliards d’euros (après avoir emprunté le complément sur les marchés financiers).
Selon le Traité, ces 80 milliards devraient théoriquement être versés sur cinq ans à raison de 20 % par an. Les Etats devraient toutefois anticiper leurs versements de sorte que la capacité de prêt du MES soit de 300 milliards d’euros dès juillet 2012.
Combiné au FESF, cela permettrait d’atteindre 500 milliards d’euros d’emblée.
Le traité sur le MES prévoit que la capacité totale de prêt du MES et du FESF n’excède pas ces 500 milliards d’euros, mais il indique aussi que ce seuil doit être revu en mars 2012. Et, malgré les réticences des autorités allemandes, il devrait être relevé. Il est également possible que le FESF soit finalement prorogé, ce qui permettrait, en cumulant les deux dispositifs, de porter la capacité de prêt européenne à 740 milliards d’euros.
Rapportée aux 3 900 milliards d’euros que représentent la dette cumulée de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne, de la Belgique et de l’Italie, cette capacité restera cependant encore limitée.
Or, le MES n’étant pas doté d’une licence bancaire, il ne peut donc pas se "re-financer" en urgence auprès de la Banque centrale européenne en cas de besoin. Ce qui continue à entretenir le doute sur sa capacité à faire face rapidement à un coup de tabac sur les marchés financiers. Même si l’unanimité des Etats n’est plus indispensable : contrairement au FESF, le MES peut le cas échéant intervenir avec l’accord d’une majorité qualifiée correspondant à 85 % de son capital.
Une gouvernance problématique
Mais c’est surtout sa gouvernance qui pose problème.
Le MES aura une responsabilité essentielle dans les relations avec les Etats en crise. Dans la définition des conditions imposées en contrepartie de l’aide, mais aussi dans l’appréciation de leur mise en oeuvre. Or, cette institution reste purement intergouvernementale : elle est dirigée par un Conseil des gouverneurs formé des seuls ministres des finances.
Le MES utilise certes la Commission européenne et la Banque centrale européenne (qui ont un observateur à son Conseil) pour l’expertise et la mise en oeuvre, mais les décisions sont prises par ce Conseil en dehors de toutes les règles de transparence prévues pour les autres institutions européennes. Le Parlement européen n’est en particulier ni consulté ni même informé de ces délibérations.
Le Traité sur le MES s’articule enfin avec celui au niveau sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG : seuls pourront recevoir l’aide du MES, les pays qui auront souscrit au TSCG. Il s’agit du traité qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont improvisé dans l’urgence en décembre dernier pour rassurer les marchés. Depuis, la situation s’est calmée sur ces marchés, mais c’est le résultat de l’injection massive de liquidités par la Banque centrale européenne et non de ce projet de traité. Ce texte, finalisé le 29 janvier dernier devrait être signé par 25 des 27 Etats de l’Union lors du Sommet européen des 1er et 2 mars.
Ce traité empêchera-t-il dans le futur le retour des crises ? Rien n’est moins sûr. Tout d’abord, il concerne uniquement la discipline budgétaire, alors que les causes réelles de la crise actuelle se situent - sauf dans le cas grec — ailleurs : avant la crise, l’Irlande et l’Espagne avaient été de très bons élèves du pacte de stabilité mis en place en 1997 pour encadrer les politiques budgétaires des Etats (contrairement à l’Allemagne...).
Le principal problème structurel de la zone euro vient des différences d’inflation entre pays et de ce qui en résulte à terme en matière d’endettement privé excessif et de déficits extérieurs importants.
Ce sujet a commencé à être abordé dans le cadre de la réforme de la gouvernance économique de l’Union dite « six pack», entrée en vigueur fin 2011 avec la création d’un « mécanisme d’alerte» sur les déséquilibres macroéconomiques autres que budgétaires. La Commission européenne a présenté le mois dernier son premier rapport sur le sujet.
Le «six pack» est (très) loin d’avoir épuisé le sujet, mais le nouveau traité n’apporte strictement aucun plus sur ce plan.
C’est quasiment la même chose en matière de discipline budgétaire. Le « six pack» prévoyait déjà un renforcement significatif de la mise sous surveillance des Etats en déficit excessif et des sanctions s’ils ne rentrent pas dans les clous. Le TSCG ne fait guère que rendre celles-ci un peu plus automatiques.
Mais surtout il ne propose aucune avancée sur un armais point pourtant essentiel pour l’équilibre des finances publiques et ensemble qu’on ne pourra que très difficilement résoudre à 27 : l’harmonisation fiscale. Il ne prévoit en effet ni échange automatique d’informations en matière de revenus de l’épargne ni assiette commune consolidée pour l’impôt sur les bénéfices des entreprises....