La transmission de l'entreprise du dirigeant/associé représente une étape personnelle importante. C'est un moment décisif pour la pérennité de l'entreprise. Il est donc indispensable de l'anticiper pour l'envisager sereinement. En effet, les décisions prises impacteront inévitablement l'organisation du patrimoine du dirigeant, son niveau de revenus et celui de sa famille.
La transmission d’une entreprise, cela demande du temps
Une transmission d'entreprise réussie requiert indéniablement du temps : formation des éventuels successeurs familiaux, réflexion autour du financement de la transmission ou, éventuellement, constat de l'absence de repreneurs familiaux et recherche d'un repreneur extérieur. Ces étapes longues devraient obliger le chef d'entreprise à l'anticipation.
On constate pourtant souvent que le dirigeant n'a pas suffisamment préparé la transmission de l'entreprise, ce qui réduit le champ des possibles, notamment sur le plan fiscal. Or, face à un patrimoine important, les droits de succession peuvent atteindre des tranches d'imposition allant jusqu'à 45 %. Une transmission non maîtrisée risquera alors de mettre en péril l'équilibre financier et humain de l'entreprise. Le notaire, par sa maîtrise technique du droit (civil, des sociétés, fiscal) et sa connaissance de l'environnement familial du dirigeant, sera l'interlocuteur privilégié à même de l'accompagner dans la mise en place d'une organisation optimisée, adaptée à sa situation patrimoniale, familiale et professionnelle.
Donner l'entreprise avec un pacte Dutreil
Afin d'assurer la pérennité des entreprises et le maintien des emplois, le législateur a créé le dispositif « Dutreil », outil incontournable de la transmission d'entreprises pour alléger la fiscalité. Ce dispositif très incitatif prévoit une réduction de 75 % de la valeur de l'entreprise transmise par donation/succession. Les 25 % restants pourront bénéficier de l'abattement pour donation en ligne directe (100 000 € par enfant et par parent), renouvelable tous les quinze ans.
Pour bénéficier de ce dispositif, un cadre rigoureux doit être respecté. L'activité de l'entreprise doit être opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale) et le rester pendant toute la durée du dispositif. De plus, deux engagements de conservation doivent être pris : un engagement collectif par lequel l'entrepreneur doit s'engager à conserver seul ou avec d'autres associés, pendant au moins deux ans, une proportion minimale de titres (34 % pour une société non cotée) ; un engagement individuel par lequel le ou les bénéficiaires de la transmission doivent conserver les titres reçus pendant une période de quatre ans à compter de la fin de l'engagement collectif.
Autre condition : la direction de l'entreprise doit être assurée par l'entrepreneur ou par un donataire pendant trois ans à compter de la transmission. Enfin, des obligations déclaratives devront être remplies. Une attestation, certifiant que toutes les conditions sont respectées, doit parvenir à l'administration fiscale au moment de la donation/succession et à la fin de l'engagement individuel.
Céder l'entreprise
Il peut être envisagé de céder l'entreprise à un successeur familial (éventuellement pour panacher une donation) ou à un tiers, permettant ainsi à l'entrepreneur sur le départ de dégager des liquidités. Si la cession concerne les titres d'une société imposable à l'impôt sur les sociétés (IS), la plus-value sera soumise, de plein droit, au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 %. Sur option, la plus-value pourra, sinon, être soumise au barème progressif de l'impôt sur le revenu (IR). S'ajouteront, dans les deux cas, les prélèvements sociaux de 17,2 % et, au-delà d'un certain seuil, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (taux progressif de 3 à 4 %).
L'abattement de 500 000 € sur les plus-values de titres de PME réalisées par les dirigeants lors de leur départ à la retraite pourra s'appliquer, quel que soit le régime d'imposition, si les titres sont détenus depuis au moins un an et cédés avant le 31 décembre 2022. En revanche, un abattement pour durée de détention ne pourra s'appliquer qu'en cas d'option pour le barème progressif pour les titres détenus depuis plus de deux ans. Cet abattement pourra être renforcé si les titres sont ceux d'une PME créée depuis moins de dix ans.
Si le dirigeant est un entrepreneur individuel ou un professionnel exerçant dans une société imposée à l'impôt sur le revenu, la taxation de la plus-value dépendra de la durée de détention et de la nature du bien cédé. Ici encore, le législateur a prévu des dispositifs de faveur, notamment pour les professionnels partant à la retraite.
Donner les titres avant de les céder
Céder son entreprise peut être le moment de réfléchir à initier ou poursuivre la transmission de son patrimoine, notamment pour épauler les enfants dans la réalisation de leurs projets personnels. En cas de cession de l'entreprise puis de donation, une double imposition sera applicable : au titre de l'impôt de plus-value au moment de la cession puis au titre des droits de donation au moment de la donation du produit de la cession.
En inversant les opérations, donc en cas de donation de titres puis de cession par les donataires, si la valeur retenue dans l'acte de donation coïncide avec le prix de cession, alors la plus-value sera purgée et seuls des droits de donation seront dus.
Cas pratique
Prenons l'exemple d'un entrepreneur qui souhaite céder des actions, acquises pour 1 million d'euros et valorisées à 2 millions d'euros, et donner des liquidités à ses deux enfants.
Première hypothèse : cession puis donation.
L'imposition de la cession (hypothèse PFU) s'élève à 300 000 € ; la donation s'élève à 1,7 million d'euros. L'imposition de la donation revient à 336 000 € pour les deux enfants. Soit une imposition totale de 636 000 €.
Deuxième hypothèse : donation en pleine propriété puis cession.
La donation s'élève à 2 millions d'euros. Son imposition s'élève à 426 000 € pour les deux enfants. En revanche, la cession, qui intervient après la donation, n'est pas imposable. L'imposition totale est donc de 426 000 €.
Dans cet exemple, la donation-cession permet de donner plus et de réduire l'imposition totale en neutralisant la taxation des plus-values de cession. La donation de titres peut être consentie en pleine propriété ou en nue-propriété (ou mixte). En cas de donation en pleine propriété, la plus-value est intégralement effacée. En cas de donation en nue-propriété, la valeur transmise est minorée ; une plus-value taxable persistera au moment de la cession.
Des précautions doivent être prises en cas de donation-cession afin d'éviter tout risque fiscal concernant la chronologie des évènements (la donation doit impérativement précéder la cession) et l'intention libérale du donateur (la donation doit donner lieu à un véritable dessaisissement).
Chacune de ces hypothèses répond à des besoins différents et s'inscrit dans un jeu de contraintes variables. Leur mise en place exige donc une préparation anticipée et une connaissance technique et contextuelle approfondie. La précipitation étant l'ennemi de la stabilité et de la sérénité, l'anticipation sera ainsi le maître-mot d'une transmission réussie.
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